Maison unifamiliale
Gambucci Aristide
Catégorie
--
Classement
Lauréat
Edition du LAA
1998
Auteur(s)
Gambucci AristideAvec
Tecna S.A. (Ingénieurs-Conseils)Joseph Pletsch (Jardinier-paysagiste)
Maître d'ouvrage
Privé
Année de fin
1996
Localisation (ville)
Mondercange
Description
INTRODUCTION
Le projet comme instrument de connaissance.
La décision d'écrire le projet d'architecture repose sur la volonté de communiquer une démarche intellectuelle, à la base de laquelle se trouve un crédo : il existe un lien étroit, de nécessité, entre l'architecture et la culture. L'architecture, culture mise en forme, donne à celle-ci son cadre physique. La culture se perpétue par l'architecture : « Lorsqu’un groupe est inséré dans une partie de l'espace, il la transforme à son image, mais en même temps il se plie et s'adapte à des choses matérielles qui lui résistent. Il s'en ferme dans le cadre qu'il a construit. L'image du milieu extérieur et des rapports stables qu'il entretient avec lui passe au premier plan de l'idée qu'il se fait de lui-même » (1)
Il est primordial, lors de l'élaboration du projet, de tenir compte de cette dimension culturelle de l'architecture. L'intégration de la culture dans le projet se fait pratiquement inconsciemment, du moins au niveau de culture le plus élémentaire, lorsque le projet concerne le milieu culturel du projeteur. Le problème est, d'évidence, beaucoup plus complexe lorsque le projeteur s'attaque à un milieu culturel étranger ; sa résolution pas se précisément par le processus de la projétation. Projeter, c'est élaborer un champ spécifique de connaissances qui, avant d'être intégré dans le projet, sert de référence à la recherche elle-même. La projétation, recherche intentionnelle ayant pour but ultime le projet, est entretenue par la résolution des problèmes qui se posent lors de l'élaboration de celui-ci : le projet est instrument de connaissance.
L'élaboration de ce champ de connaissances passe par leur indispensable interprétation historique. L'architecture, bien matériel construit dans le cadre d'une structure culturelle donnée, fait partie de la structure matérielle. L'histoire de l'architecture est intégrée dans l'histoire de la culture matérielle, et voit donc son rythme lié à celui, très lent, de la variation des modes et des rapports de production.
La lecture de l'histoire du phénomène structurel que constitue l'architecture impose le recours à la longue durée, dans le sens où l'entend Fernand Braudel : « Par structure, les observateurs du social entendent une organisation, une cohérence, des rapports assez fixe s entre réalités et masses sociales. Pour nous, historiens, une structure est sans doute assemblage, architecture, mais plus encore une réalité que le temps use mal et véhicule très longuement. Cert aines structures, à vivre longtemps, deviennent des éléments stables d'une infinité de générations : elles incombent l'histoire, en gênent, donc en commandent, l'écoulement. D'autres sont plus promptes à s'effriter. Mais toutes sont à la fois soutiens et obstacles. ( … ) Voyez la place de la transhumance dans la vie montagnarde, la permanence de certains secteurs de vie maritime, en racinés en tels points privilégiés des articulations littorales, voyez la durable implantation des villes, la persistance des routes et des trafics, la fixité surprenante du cadre géographique des civilisations ». (2)
Outre l'interprétation historique des connaissances, l'élaboration du corpus de références par et pour le projet impose le re cours à la pluridisciplinarité. La compréhension de la structure sociale et mentale de la culture étudiée passe par l'analyse de données de disciplines diverses : ethnologie, économie, archéologie, ... C'est dans ce cadre (compréhension de la structure sociale dans sa globalité) qu'il faut insister sur l'importance du travail sur le terrain dans le process us de la projétation. (3)
LE DETAIL
Rencontre intentionnelle de divers matériaux à la recherche d'un assemblage équilibre et harmonieux.
Le projet
Le processus de la projetation a axé la recherche sur la transcription du thème de la « limite spatiale ».
La description textuelle du projet est focalisée sur la « perception de l'espace ». (L’organisation des fonctions, autour d'un programme défini par le maître d'ouvrage, est représentée à travers les documents graphiques ne nécessitant ainsi pas d'explications supplémentaires.)
Le site
A. Une fine parcelle (9,30x193m) légèrement en pente orientée suivant l'axe so/ne.
B. Un grand chêne séculaire sous protection naturelle, implanté en face du terrain dans le prolongement de cet axe so/ne. Elément marquant le lieu par son rayonnement et par la perception spatiale changeante au fil des saisons.
C. Un corp s bâti, formé par deux maisons mitoyennes des années soixante, définit un pignon (10x10m) sur la limite sud-est du terrain.
Autour des perception s spatiales ...
A. L'ouverture (façade sud-ouest)
• Une grande brèche (1,90x5,20m) en relation dimensionnelle et visuelle avec le chêne se prolonge à travers la maison permettant aussi aux espaces orientés nord-est de contempler la lumière du sud.
• Deux bandeaux horizontaux (0,50x2,90m), dans l'alignement des fenêtres de la maison adjacente, laissa nt les plafonds « flotter » à travers une lumière rasante et prêtant ainsi une intimité visuelle par rapport à la rue.
• Une fente lu mineuse (0,2 5x8m), sous la dalle flottante de la toiture, comme élément de « frise » se prolongeant sur la façade sud-ouest. Une baie vitrée, orientée vers le chêne, vient s'y accrocher formant une niche dans la chambre en relation avec la terrasse.
B. Le « filtre » (façade nord-ouest)
• Les « pignons » des deux corps principaux situés à 1,30m de la limite du terrain avoisinant, se voient proscrits de toute vue et ouverture selon les réglementations.
• Le corps « rouge » du séjour se transforme ainsi en enveloppe protectrice. Le mur, perforé d'un mail de 25 blocs de verre (20x20cm), permet au soleil couchant de filtrer une lumière chaude qui reflète un jeu lumineux de carrés roses sur le muret de la mezzanine.
• Le pignon « gris » est aveugle, accentuant ainsi l'orientation des fonctions dans ce volume vers le jardin.
• La verrière, comme élément d'articulation entre les deux volumes, est interprétée par une fine peau translucide ; un puits de lumière éclairant l'esca lier et les services tout au long de la journée.
C. La « vue » (façade nord-est)
Ouvertures généreuses vers le jardin faisant partie d'une composition globale d'après les « pleins et vides », petits éléments ouvrants opaques et grands éléments fixes transparents les espaces de ce corps bénéficient de la vue sur le jardin ainsi que de la lumière est-ouest.
D. Le « parcours »
L'axe visuel so/ne « naît » à partir du grand chêne, se prolonge à travers les espaces intérieurs de l'habitation et trouve sa continuité dans la composition du jardin.
Un espace « construit », marqué par le placement de pierres de carrière suivant un tracé elliptique, définit un lieu d'intimité.
A cet espace se succèdent deux petits étangs récoltant les eaux de pluies ruisselantes en surface des terres argileuses. Un drainage ouvert relie ces bassins et se faufile à travers le jardin pour aboutir à un réservoir d'eau de pluie souterrain à usage multiple.
(1) M. Halbwachs, « La mémoire collective », Paris 1950 et 1968, cité in A. Rossi, « L’architecture de la ville », Paris 1981, p. 171.
(2) F. Braudel, « Histoire et sciences sociales : la longue durée », in « Ecrits sur l'histoire », Paris 1969, p. 50.
(3) d. Séminaires de Walter Barbera, « Progettazione dello spazio per lo sviluppo », Politecnico di Milano, Facoltà di architettura, 1987-1991. LA HORMA DE SOUSSE ; travail de fin d'études 1990-1991 ; Victor Brunfaut & Aristide Gambucci ; sous la direction de Marcel Pesleux (I.S.A.C.F. La Cambre) et de Walter Barbero (Facoltà di Architettura Politecnico di Milano.